En Union européenne et partout en France, de nombreux patrons de magasins spécialisés CBD ont dû fermer boutique en 2018. Quand les uns ont rouvert en 2019, d’autres font encore l’objet d’une enquête policière ou ont définitivement renoncé à exploiter la filière. A tort ou à raison ? Ils sont nombreux à pointer du doigt le flou juridique qui entourait alors les produits CBD. Le témoignage anonyme d’un gérant français.
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Une opportunité incontestable, mais risquée
« J’avais envie moi aussi de profiter du filon. »
Tout a commencé aux alentours de 2014, lorsque la molécule CBD, ou cannabidiol, débarque en France. Cet extrait de chanvre est vanté comme un équivalent légal du cannabis, sans les effets psychotropes. Il n’en faut pas plus pour générer une très importante demande, et pas moins pour susciter l’amalgame entre cannabis et CBD, d’ailleurs encore très ancré dans les esprits, au point qu’on parle, à l’époque à propos des boutiques CBD, de coffee shop. Beaucoup d’entrepreneurs y voient une belle opportunité de business.
Il faut faire la queue un moment avant de pénétrer les rares boutique existantes en France, les shop rivalisent d’ingéniosité pour attirer le chaland : nouveautés en continu, campagnes de pub, promotion autour du bien-être et de la santé.
« J’ai entendu parler de descentes, des collègues qui avaient eu des soucis judiciaires. J’ai donc fermé ma boutique volontairement, par peur d’avoir moi aussi des problèmes. »
C’est en 2018 que les ennuis commencent. Après l’impassibilité, les autorités françaises se réveillent. C’est aussi le cas en Union européenne, notamment au Luxembourg. Une à une, quelques mois après la publication d’un arrêt ministériel destiné à instaurer un cadre légal français, des dizaines de boutiques disséminées sur tout le territoire sont perquisitionnées, avec saisie de marchandises, parfois mise en garde vue, fermeture administrative préventive, accusations de tromperie et de pratique illégale de la pharmacie. Certains seront écroués (prison avec sursis et plusieurs milliers d’euros d’amende), d’autres, plus chanceux, sans doute plus prudents, peuvent reprendre leur activité sans conséquence.
Le début des ennuis
« Mais le mal était fait », explique notre témoin, « dans la tête des gens on était des dealers. On avait forcément un business caché. Surtout, le plus dur, ça a été le manque à gagner. J’ai dû fermer boutique pendant des mois, mon retour sur investissement va être beaucoup plus long à la détente que ce que j’avais prévu. »
Comme lui, de nombreux commerçants décident de mettre la clé sous la porte par peur d’être confrontés à des problèmes judiciaires et financiers. De ce fait, depuis, la majorité des boutiques estampillées CBD ouvre on-line.
« L’arrêt ministériel [juin 2018] a bien éclairci tout ça. Avant, c’était le flou artistique. Le truc, c’est que la loi a pas empêché les gens d’ouvrir des boutiques un peu partout. Et c’est pour ça que les autorités ont vu rouge. »
C’est bien cela que pointe la communauté française des revendeurs CBD : leur volonté et leurs efforts de mise en conformité, tandis que leurs déboires continuent. « On est des commerçants comme les autres. On paye nos fournisseurs, on paye nos impôts, on paye la TVA. L’affaire des CBD shop a cassé l’élan de l’activité. Par contre, le lien de confiance avec les consommateurs est resté. » L’opinion publique semble en effet favorable, puisque la clientèle n’a pas déserté.
La réutilisation du chanvre par les industriels dans de très nombreux produits de consommation courante, notamment dans les cosmétiques, la reconnaissance des propriétés médicinales de la plante, sans parler des nombreuses études ayant prouvé l’intérêt thérapeutique de la molécule CBD, y seraient-elles pour quelque chose ?
« Les gens demandent des conseils, sont en quête d’information. Ils veulent savoir par exemple si les e-liquides au CBD, réputés relaxants, peuvent les aider à arrêter de fumer sans stress. », souligne notre témoin. « On n’a pas le droit de donner des conseils. Je me limite à guider les clients à travers la marchandise, en fonction de ce qu’ils recherchent. »
Un mal pour un bien
Notre témoin confirme que l’affaire des CBD shop a tout de même eu un impact positif. Les revendeurs de produits CBD sont désormais très informés, sélectionnent leur marchandise avec minutie. « Les CBD shop qui restent font un peu référence maintenant ; les clients intéressés par le bien-être savent que se rendre en boutique c’est la garantie de tomber sur des produits de qualité, d’acheter quelque chose de légal, avec un ticket de caisse qui le prouve. » Le CBD est donc légal en France, à la condition qu’il soit issu d’une variété de chanvre conforme, contenant moins de 0.2% de THC. Ce qui ne l’est pas, en revanche, est la commercialisation du cannabis, bien sûr, mais aussi celle de fleurs et de feuilles de chanvre en vrac (même si elles sont issues de variétés contenant peu ou pas de THC). Il est interdit également de prodiguer des conseils, ou de valoriser les intérêts thérapeutiques du CBD : « y’a que les pharmaciens qui peuvent faire ça.
Si quelqu’un vient me voir pour soulager des douleurs au dos, je lui dis d’aller chez le médecin. Le CBD, c’est pas un médicament, ça soigne pas. C’est uniquement un petit plus. Pour se relaxer après le boulot, ou si on est stressé. Ça détend, c’est tout, sans planer ». On ne le répète jamais assez, le CBD ne provoque ni effet psychotrope, ni dépendance physique et mentale. « Je le précise régulièrement : je suis pas un dealer. Moi, mon boulot, c’est pas de pousser les gens à consommer du CBD ou du cannabis. D’ailleurs c’est interdit. Je passe mon temps à répéter que le CBD c’est pas du cannabis, c’est du chanvre inoffensif. »
Produits CBD : Les points clés de la loi française à l’été 2019
Sont autorisés :
- L’utilisation de CBD issu de variétés de chanvre inscrites au registre officiel. Leur taux de THC, substance stupéfiante, doit être inférieur à 0.2%
- Les produits finis contenant du CBD issu de variétés inscrites au registre officiel
- Les produits finis contenant du CBD garantis 0% de THC
Sont interdits :
- La production, la détention, l’emploi et la commercialisation de cannabis
- L’utilisation et la commercialisation des fleurs, feuilles de cannabis et de chanvre, ainsi que tout produit intégrant un CBD obtenu à partir de ces parties de la plante
- La revendication et la promotion d’un quelconque effet thérapeutique, strictement réservé au cadre de l’exercice pharmaceutique
- La valorisation de l’usage de cannabis, substance catégorisée stupéfiante.