Etats-Unis/Canada : le « cannabusiness » cherche encore sa légitimité

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Environ 70 milliards de dollars, c’est ce qu’est censée rapporter l’industrie mondiale du cannabis légal (tout produit confondu) d’ici à 2025. La poule aux œufs d’or ? Encore faut-il que les outils législatifs suivent et que les consommateurs modifient leurs habitudes de consommation. Retour sur les expériences américaine et canadienne, où, en marge de prévisions spectaculaires et de résultats décevants, les acteurs du secteur sont confrontés à de lourdes difficultés structurelles.

Au Canada, les investissements patinent

5 milliards de dollars en 2021 : c’est la toute nouvelle estimation quelque peu stupéfiante d’un marché que l’on imaginait beaucoup plus… juteux. En octobre 2018, le Canada légalise le cannabis récréatif et compte sur cette toute nouvelle filière industrielle pour engranger du chiffre. Moins florissante que prévu, celle-ci est confrontée dès son lancement à différents freins structurels. Les premiers industriels de l’herbe, certes, ont su se faire une place au soleil, mais les autres, les plus petits, demeurent paralysés par des investissements très lourds et des investisseurs… frileux.

Sont mises en cause par-dessus tout : les extrêmes complexités du cadre législatif (conformité des produits, du packaging, des outils de production, de contrôles, etc.) et du système de règlement/perception des taxes. De plus, contre toute attente, le client, jugé trop prudent, ne suit pas ! C’est donc un retour d’expérience inattendu qui nous vient du continent nord-américain : des consommateurs aux prises avec des habitudes culturelles longuement acquises, difficiles à modifier.

Aux Etats-Unis : légalisations locales à contre-courant de la loi fédérale

C’est la grande complexité du marché américain. Comptons d’une part les Etats où le cannabis récréatif est légalisé, d’autre part les Etats ayant approuvé l’usage du cannabis thérapeutique, ensuite les Etats ayant statué pour une commercialisation du CBD et produits CBD et enfin les Etats accueillant toutes ces filières du « cannabusiness ». Le tout encadré par une loi fédérale hostile à toute forme de substances stupéfiantes. C’est pourquoi les investisseurs s’arrachent les cheveux : si tel produit est autorisé ici sous conditions mais pas là-bas, comment développer concrètement cette économie à très fort potentiel?

Résultat, même si la rentabilité du secteur est intéressante, une partie des transactions à échelle nationale échappe à la réglementation et redeviennent ce qu’elles étaient avant 2012 (année où le Colorado devient le premier Etat à légaliser le cannabis récréatif) : des opérations pratiquées en sous-main, hors cadre fiscal.

Par ailleurs, certains Etats tels que la Californie revoient leurs revenus fiscaux largement à la baisse (345 millions de dollars en 2018 au lieu du milliard estimé). Ce phénomène est la conséquence d’un vertigineux écart de prix entre marché officiel et marché noir, qui pousse, en toute logique, les usagers à privilégier ce dernier. Enfin, comme au Canada, la législation en vigueur aux Etats-Unis, très complexe et hétérogène, oblige un investissement que les opérateurs n’ont pas toujours les moyens de fournir.

Bon à savoir. La loi fédérale américaine autorise la vente et l’utilisation de chanvre industriel, dont le taux de THC, substance psychotrope illégale aux Etats-Unis, ne dépasse pas 0.3%.

La question du CBD

En théorie, au Etats-Unis, la commercialisation de produits CBD est autorisée. En effet, la substance n’est pas inscrite à la liste des substances prohibées par la loi fédérale. On parle d’ailleurs d’un marché « bien-être » estimé à plus de 2 milliards de dollars d’ici à 2020. En théorie.

Sur le terrain, les acteurs de la filière pointent un vide réglementaire très problématique, notamment en termes sanitaires. Ont été dénoncés par ce biais la prolifération de produits CBD non conformes, comme ces huiles au CBD en libre circulation n’en contenant… pas du tout. Concevoir un appareil législatif ad hoc permettrait d’organiser la filière, d’établir des standards de production, de l’associer à celle du bien-être, tout en améliorant l’image du CBD pour rassurer le consommateur.

Malgré son développement exponentiel, l’explosion des exportations de chanvre cultivé, la démultiplication des produits CBD en vente libre, une opinion publique internationale plutôt favorable, la filière « chanvre et cannabis » souffre de son contexte législatif environnant. Il reste encore du chemin à parcourir pour qu’elle prenne son plein envol…

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